"Le passé n'éclairant plus l'avenir, l'esprit marche dans les ténèbres" (Tocqueville)

Chaque année La Maison de la Laïcité de Schaerbeek et Les Amis de la Morale Laïque de Schaerbeek organisent et financent une journée d'excursion sur le thème de la déportation. Les quelque 41 élèves de 5e année de l'implantation Renan ont ainsi visité le Musée juif de la Déportation, à Malines, et le fort de Breendonck.

Nos jeunes avaient été préparés à la visite tant dans le cadre de leurs cours d'histoire que de morale où la question du génocide et les notions de culture et de barbarie figurent au programme qu'avec le témoignage de David Lachman, très ému de découvrir sur le monument aux morts dans le hall d'entrée de Renan le nom de son ami Dobrzinski, compagnon de résistance et interné avec lui à Dossin avant d'être fusillé.

Je voudrais livrer ici les réflexions très mûres formulées par les élèves suite à cette expérience.

Sur le plan des émotions d'abord, nos adolescents ont été très touchés par le récit et les anecdotes de David Lachman. Horrible, impensable, inimaginable sont les adjectifs utilisés pour dire ce qu'ils ressentent face à l'horreur des camps dont l'orateur est rescapé. On s'aperçoit que ce n'est pas si loin de nous, que ces camps n'étaient pas "en service" qu'en Allemagne.

Leurs travaux écrits témoignent ensuite de l'importance de parler encore et toujours du génocide et de la menace totalitaire afin de transmettre le message selon lequel le respect des valeurs essentielles comme le droit à l'existence, le respect de la différence, la lutte contre les inégalités et l'exclusion, l'engagement, la solidarité et la justice est le seul garant de la démocratie. La citoyenneté responsable passe obligatoirement par le refus du "chacun pour soi". M. Lachman nous a bien fait comprendre la menace que peuvent représenter les partis d'extrême droite. Il y a une obligation morale d'en parler.

Devant la navrante répétition de l'Histoire au Rwanda, tous, loin de baisser les bras, concluent que l'horreur génocidaire n'est pas une fatalité ou le fait d'un peuple. Ils affirment que l'éradication de cette plaie passe par le sentiment, la réflexion et la conscience politique de chacun. Il n'y a qu'une race, c'est la race humaine. La démocratie se construit sur base du respect de soi, écrivent-ils. Je ne peux accepter autrui que si je m'accepte moi-même. Je ne peux tolérer l'intolérable, au nom de l'humain. La lutte contre l'économisme triomphant conduirait à davantage d'humanisme.

Enfin, j'emprunterai à Vaclav Havel, cité dans l'une des copies, le mot de la fin qui assure, si besoin en était encore, que la jeune génération, consciente de son devoir de mémoire, ne veut plus jamais vivre "ça", au nom de la tolérance. Ce qui donne à la vie toute sa couleur et son mystère, c'est le fait que les groupes humains diffèrent les uns des autres par leurs coutumes, leur mode de vie, leur foi, leur couleur de peau, leur habillement et d'autres particularités.

Sylvie Haulotte, professeur de morale