Adieu à notre professeur d'histoire

C'est avec une immense tristesse mêlée d'un sentiment d'injustice que nous avons appris le décès du Professeur Claude-René De Winter.

Ancien élève de l'AFB et licencié en Histoire des Temps modernes (ULB, 1971), Claude-René était professeur d'Histoire, de Morale laïque et de Communication à l'Athénée depuis janvier 1972. Pendant quelques années, il fut collaborateur scientifique à l'U.L.B. (séminaire de "Cinéma et Politique) et professeur de Communication (audiovisuel et presse, histoire du syndicalisme et de la pensée politique) à l'école supérieure de Communication et de gestion.

Pendant plus de trente années, Claude-René a dispensé avec un enthousiasme toujours renouvelé ses cours d'Histoire à des générations de jeunes blumiens. Mais plus que l'Histoire, ce qu'il cherchait à développer, c'était la critique historique et, au-delà, le libre examen, principe auquel il était attaché par-dessus tout.

Toujours à la recherche de la nouveauté, il exigeait que ses étudiants maîtrisent les nouvelles technologies de l'information et de la communication, ce dont il témoignait lui-même par la conception de son célèbre site. Ses rhétoriciens, à ce propos, se souviendront avec émotion du site internet qu'ils ont dû créer dans le cadre de leur cours d'Histoire.

Doté d'une très vaste culture générale, il s'ingéniait à travers ses cours à faire partager aux étudiants son intérêt pour le Western, son amour pour les civilisations amérindiennes, sa passion pour l'art en général et ses rapports avec la compréhension du monde; autant de sujets qu'il tenait à aborder en classe dans toute leur complexité. Les photocopies, les illustrations, les documents foisonnaient -ce qui a pu dérouter certains au début- car c'était sa manière à lui d'éclairer sous toutes ses facettes les notions abordées. Pour lui, la culture n'était pas noble par essence: elle ne devait pas se limiter à l'accumulation de connaissances encyclopédiques mais être pourvue d'émotions, de sens, de vie, sous peine de demeurer stérile.

Tous ceux qui l'ont connu garderont le souvenir de l'Homme au crâne rasé, de l'Homme au cigare et aux bottes de cow-boy, de l'Homme à l'humour déjanté. Mais au-delà de cette image extérieure, se cachait un personnage entier. Son caractère hors du commun, son style direct, sa sensibilité à fleur de peau ne laissait personne indifférent. Toujours fidèle à ses idées, il savait défendre au-delà de tout ce en quoi il croyait et haïssait au plus haut point l'argument d'autorité. Pour lui, la discussion, la rhétorique, l'échange primait sur le reste. Son enseignement était à l'image de l'Homme de conviction et de l'Homme généreux qu'il était. Pourvu d'une exceptionnelle capacité d'indignation, il se révoltait littéralement contre les injustices du monde et savait se montrer très proche de ceux qui en étaient victimes.

Derrière ses légendaires coups de gueule ("ah, Bush, ce p'tit c..."), derrière ses formules à l'emporte-pièce ("les manuels sont tous plein de m..."), derrière l'affirmation militante de sa pédagogie ("dans ma classe, on travaille seulement avec des textes originaux"), il y avait d'abord et avant tout un maître, quelqu'un qui n'était jamais assis au bureau du professeur mais dispensait son cours au milieu de ses élèves.

Avec la disparition de Claude-René, ses élèves ont perdu un maître et un confident, ses anciens disciples une référence et un ami, et son Athénée, un légende.

Alain Duriau