La reproduction asexuée

1 Le phénomène de la reproduction

La reproduction au sens strict est un processus par lequel une cellule (ou un organisme) produit une ou plusieurs autres cellules (ou organismes) semblables à la cellule (ou l'organisme) parentale.

On distingue reproduction asexuée ou végétative et reproduction sexuée.

2 Reproduction asexuée

2.1 Définition

La reproduction végétative correspond à une aussi simple multiplication cellulaire qu'une machine photocopieuse reproduit en un ou plusieurs exemplaires un document original. Dans tous les cas, on obtient un clone de cellules possédant toutes la même information héréditaire. C'est le cas lorsqu'on obtient, à partir d'une cellule, un clone bactérien ou une population de levures. De même, lorsqu'à partir d'un œuf fécondé, on obtient un embryon, puis un organisme adulte, toutes les cellules sont issues de la même cellule originelle unique.

Cellules composant une feuille de sphaigne Sphagnum species, Sphagnaceae, Sphagnales, Sphagnopsida, Bryophyte, observées au microscope (grossisement 77X) (Plante cultivée provenant du Vorarlberg, Autriche - 21/03/1982 - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens). Les différentes cellules d'une feuille constituent un clone cellulaire, car elles sont issues de la division d'une unique cellule initiale.

L'obtention chez certains organismes, en particulier les végétaux, d'individus distincts, par bouturage ou marcottage par exemple, relève de la reproduction asexuée, tout comme la parthénogenèse ou la gynogenèse animales.

2.2 Le bouturage

Les boutures sont des fragments d'organismes, produits naturellement ou artificiellement, capables de produire un nouvel individu complet. C'est le cas chez de nombreuses plantes:

Thalle et corbeilles à propagules de Lunularia cruciata, Lunulariaceae, Marchantiale, Hepaticae = hépatique, Bryophyte (Forêt de Soignes, Watermael-Boitsfort, Brabant, Belgique - 14/02/1982 - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens).

Bord de feuille de Kalanchoe daigremontiana, Crassulaceae portant des embryons foliaires prêts à se détacher (Plante cultivée à Hamois, Belgique - 10/09/1999 - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens).

Feuille de Pachyphytum oviferum, Crassulaceae, tombée à terre et produisant des racines et une nouvelle petite plante (Plante cultivée à Hamois, Belgique - 29/09/2001 - Photographie originale réalisée par Eric Walravens).

Orpin d'Espagne Sedum hispanicum, Crassulaceae (Plante cultivée à Hamois, Belgique - 30/06/1991 - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens).

 

Joubarbe d'Aywaille Sempervivum X funckii var. aqualiense, Crassulaceae, Saxifragales (Sougné-Remouchamps, Province de Liège, Belgique - 03/07/2000 - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens).

Rosettes foliaires de joubarbe d'Aywaille Sempervivum X funckii var. aqualiense, Crassulaceae, Saxifragales (Sougné-Remouchamps, Province de Liège, Belgique - 03/07/2000 - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens).

Fleur de joubarbe d'Aywaille Sempervivum X funckii var. aqualiense, Crassulaceae, Saxifragales (Sougné-Remouchamps, Province de Liège, Belgique - 03/07/2000 - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens).

2.3 Le marcottage

Lorsqu'il n'est pas possible de bouturer une plante, on a recours à une autre technique, le marcottage:

Fraisier cultivé Fragaria X ananassa, Rosaceae développant des stolons (Plante cultivée à Hamois, Belgique - 29/09/2001 - Photographie originale réalisée par Eric Walravens).

2.4 La greffe

Une autre technique pour multiplier une variété de plante de façon végétative est bien connue des arboriculteurs: c'est la greffe. Greffer une plante consiste à joindre deux parties de plantes différentes de telle manière qu'elles s'unissent et continuent à croître comme une seule plante: le greffon continuera sa croissance sur le sujet ou porte-greffe. On peut ainsi greffer un rameau coupé de néflier Mespilus germanica sur un tronc bien enraciné d'aubépine: la sève brute d'aubépine Crataegus monogyna alimentera le néflier qui se développera vigoureusement. En pratiquant deux greffes sur un même tronc, il est même possible de créer des pommiers aux fruits de deux couleurs différentes!

Reine-Claudier haute-tige greffé (Plante cultivée à Hamois, Belgique - 13/10/2001 - Photographie originale réalisée par Eric Walravens).

Pommier haute-tige greffé avec "rejets sauvages" (Plante cultivée à Hamois, Belgique - 13/10/2001 - Photographie originale réalisée par Eric Walravens).

2.5 Production de bulbilles

Enfin, de nombreuses plantes bulbeuses se reproduisent de façon asexuée en produisant chaque année plusieurs nouveaux bulbilles autour du bulbe souterrain (c'est le cas du muscari d'Arménie de nos jardins Muscari armeniacum), du bulbe aérien (dans le cas de la curieuse ornithogale sud-africaine Ornithogalum longibracteatum) ou à la place d'une partie (chez l'ail des champs Allium oleraceum) ou de toutes les fleurs de l'inflorescence (chez plusieurs aulx dont l'ail des vignes Allium vineale et l'oignon rocambole ou oignon d'Egypte Allium cepa var. proliferum). Lorsque ces bulbilles sont produits au contact du bulbe-même, on les appelle des caïeux.

Bulbe aérien d' Ornithogalum longibracteatum, Liliaceae, produisant des bulbilles ou caïeux sous sa tunique (Plante cultivée à Hamois, Belgique - 29/09/2001 - Photographie originale réalisée par Eric Walravens).

Bulbilles remplaçant l'inflorescence chez l'oignon rocambole ou oignon d'Egypte Allium cepa var. proliferum, Alliaceae, Liliales (Plante cultivée à Hamois, Belgique - 13/10/2001 - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens).

On induit parfois artificiellement la production de caïeux par deux incisions à angle droit du plateau du bulbe.

2.6 Le bourgeonnement animal et la régénération

Certains animaux relativement primitifs sont capables de bourgeonner de nouveaux individus. Ainsi, l'hydre d'eau douce, une minuscule espèce appartenant au même phylum des cnidaires que les anémones de mer, peut former à la base de la colonne gastrique, lorsqu'elle est bien nourrie, un bourgeon, sorte de renflement comprenant tous les types cellulaires et qui, par croissance, va former une nouvelle petite hydre indépendante qui se détachera de l'hydre-mère. Par ailleurs, cette même espèce est capable de produire des gamètes au niveau de gonades mâles et femelles, et donc de se reproduire de façon sexuée.

Hydre Hydra sp., Hydridae, Hydrozoaire, Cnidaire (Province de Brabant, Belgique - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens). Le corps de l'animal mesure de 10 à 15 mm de long. Remarquez le bourgeon latéral, commençant à produire un nouveau polype.

Hydre Hydra viridissima, Hydridae, Hydrozoaire, Cnidaire (Province de Brabant, Belgique - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens). Le corps de l'animal mesure de 10 à 15 mm de long. Remarquez les deux polypes qui ont bourgeonné sur l'animal.

Si, accidentellement, une planaire, petit ver plat (phylum des plathelminthes) des eaux douces ou marines, est sectionnée transversalement ou longitudinalement, chaque moitié est capable, si la section n'est pas trop étroite, de régénérer un animal complet!

Planaire Plagnolia vandeli de la grotte du Plagnol (photographie C.Juberthie, d'après http://www.peche.org/INVERTEBRES/MilieuxParticuliers.htm)

Planaire marine (d'après http://www.multimania.com/nabiga/clonage.html)

De même, un lombric (= ver de terre, phylum des annélides), coupé en deux transversalement, régénère deux individus complets.

Lombric bifide (corps de 3 cm de long) (découvert par Monsieur Salmon en Province de Liège, Belgique, et apporté au Musée de Zoologie de l'ULg - 08/08/2001 - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens).

Bien sûr, si la queue d'un lézard régénère (quoique plus petite qu'auparavant) après autotomie, le morceau de queue s'agitant pour attirer l'attention du prédateur est incapable de régénérer un lézard!

Lézard des murailles mâle Podarcis muralis, Lacertidae, Reptile, venant de perdre sa queue par autotomie (Dinant, vallée de la Meuse, Province de Namur, Belgique - 20/05/1995 - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens).

Lézard vivipare Lacerta vivipara, Lacertidae, Reptile, avec un moignon de queue régénérant (Watermael-Boitsfort, Province de Brabant, Belgique - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens).

2.7 La parthénogenèse

2.7.1 Définition et situations

Dans la très grande majorité des espèces animales, la reproduction sexuée se fait grâce à la collaboration de deux êtres différents, le mâle et la femelle, qui fournissent chacun un gamète: la fécondation de l'ovule par le spermatozoïde donne l'œuf fécondé ou zygote, point de départ d'un nouvel individu. Il arrive toutefois que, chez certains animaux, l'ovule puisse se développer sans avoir subi de fécondation préalable: c'est la parthénogenèse. Celle-ci peut être naturelle lorsqu'elle apparaît spontanément, artificielle ou expérimentale quand elle est le résultat d'un traitement particulier auquel l'ovule est soumis dans des conditions de laboratoire.

Les ovules parthénogénétiques peuvent être diploïdes: ils se développent sans avoir subi la réduction chromatique et donnent, comme chez les pucerons, des femelles par parthénogenèse thélytoque. Dans d'autres cas, le développement parthénogénétique s'accomplit à partir d'un ovule haploïde qui a subi la méiose: c'est la parthénogenèse arrhénotoque qui ne donne que des mâles, par exemple chez les abeilles. Enfin, une reproduction parthénogénétique deutérotoque engendre à la fois des individus mâles et des individus femelles

2.7.2 La parthénogenèse permanente

La parthénogenèse est obligatoire et permanente chez certaines espèces de phasmes (ordre des chéleutoptères ou phasmoptères), curieux insectes mimétiques et homochromes plus ou moins épineux ressemblant à des branchettes (dans le cas des phasmes sensu stricto) ou à des feuilles (dans le cas des phyllies). Il faut néanmoins noter que certaines espèces ne deviennent parthénogénétiques par disparition des mâles qu'en captivité.

Larves de phasmes de Madras Carausius morosus, Lonchodidae, Chéleutoptère (corps de 6 cm de long) (Elevage - 26/09/1995 - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens).

Chez certaines espèces, la reproduction par parthénogenèse nécessite curieusement un acte sexuel, même si l'œuf produit par la femelle est diploïde et n'est pas fécondé. Ainsi, chez les tiques et d'autres acariens microscopiques, les œufs produits par parthénogenèse thélytoque ne se développent que si les animaux copulent.

Tique Ixodes ricinus, Ixodidae, acarien vu au microscope (corps de 3 mm de long) (Diapositive originale réalisée par Eric Walravens). Remarquez le rostre denté comme un harpon, grâce auquel l'animal se fixe très fermement dans la peau de son hôte.

2.7.3 La parthénogenèse cyclique

La parthénogenèse cyclique alterne annuellement avec une phase de reproduction sexuée normale.

Le cas le plus connu est sans doute celui des pucerons. En hiver, ils ne survivent que sous forme d'œufs fécondés, dits œufs d'hiver, déposés à la base des bourgeons de plantes ou dans les fentes de l'écorce des arbres. Ces œufs éclosent au printemps et donnent tous des femelles vivipares fondatrices. Sans mâle, chacune de ces femelles parthénogénétiques met au monde environ 50 nouveaux pucerons femelles, identiques à elle, complètement constitués, et ailés ou aptères selon les espèces. Les ailes permettent d'envahir de nouvelles plantes dont les pucerons se nourrissent de la sève. Cinq jours après leur naissance, ceux-ci donnent à nouveau par parthénogenèse thélytoque 50 autres pucerons femelles, et ainsi de suite pendant tout l'été. Il peut ainsi y avoir jusqu'à 12 générations successives produites par parthénogenèse thélytoque. Cette extraordinaire prolificité rend ces animaux très envahissants. Certaines espèces de pucerons demeurent sur une unique espèce de plante-hôte, d'autres produisent en été, toujours par parthénogenèse thélytoque, des émigrants ailés, capables de quitter l'hôte primaire et d'envahir une autre espèce de plante (=hôte secondaire), sur laquelle la reproduction parthénogénétique thélytoque se poursuit avec succession de générations aptères de femelles exilées. Dans tous les cas apparaît, à l'automne, une génération sexupare aptère ou ailée (les ailes permettent, le cas échéant, la migration de retour vers l'hôte primaire) qui donne, par parthénogenèse deutérotoque, des individus sexués mâles et femelles. Après l'accouplement, les femelles ovipares pondent, selon les espèces, de 1 à 10 très grands œufs d'hiver pourvus d'une coque résistante et posés à la surface d'un tronc d'arbre ou à l'aisselle des bourgeons.

Cycle annuel des pucerons.

Imago (corps de 3 mm de long) et larves (corps de 2 mm de long) de pucerons, Aphidae, Homoptère (Hamois, Condroz, Province de Namur, Belgique - 22/05/1994 - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens).

La parthénogenèse est donc ici soumise aux conditions climatiques: elle est saisonnière. Un cycle du même type se rencontre chez les daphnies, minuscules crustacés dulçaquicoles, et chez les rotifères, représentants d'un phylum pluricellulaire ayant conquis le monde et la taille des êtres unicellulaires.

Chydorus sphericus vivant, Cladocère, Crustacé (longueur 300 mm) observé au microscope (grossissement 48X) (Mare à Watermael-Boitsfort, Brabant, Belgique - 27/03/1982 - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens).

Naissance de daphnies Daphnia pulex, Cladocères, Crustacés, observées au microscope (grossissement 36X) (Mare à Watermael-Boitsfort, Brabant, Belgique - 20/04/1982 - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens).

Rotifère et euglènes Euglena viridis de la vase d'un ruisseau, observés au microscope (grossissement 32X) (Ruisseau Argentine, Forêt de Soignes, La Hulpe, Province de Brabant, Belgique - 28/03/1982 - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens).

2.7.4 La parthénogenèse facultative

L'abeille et d'autres espèces d'insectes hyménoptères montrent une parthénogenèse facultative, car elle ne se produit, en lieu et place de la reproduction sexuée, que dans des circonstances qui dépendent du choix de la femelle.

Au sein d'une ruche d'abeilles, la seule femelle normalement constituée et capable de se reproduire est la reine. Au début de sa vie, une reine quitte la ruche et, au cours d'un vol nuptial, elle s'accouple avec plusieurs mâles. Elle met en réserve les spermatozoïdes reçus dans le réceptacle spermatique: ils y restent vivants pendant 3 à 5 ans! Par la suite, lorsqu'elle a fondé sa colonie avec de nombreuses ouvrières (=femelles stériles), chaque fois qu'elle pond un œuf, elle peut ouvrir le réceptacle spermatique pour féconder l'œuf, ou le laisser fermé. Les œufs non fécondés produisent, par parthénogenèse arrhénotoque, des mâles, les œufs fécondés des femelles. C'est la nourriture donnée aux larves femelles qui déterminera si celles-ci seront des ouvrières ou des reines: de la gelée royale pendant trois jours puis du miel fait de pollen et de nectar de fleurs induiront des ouvrières, tandis qu'une alimentation continue en gelée royale est nécessaire pour produire des reines.

 

Essaim d'abeilles Apis mellifera, Apidae, Hyménoptère, suspendu à une branche d'arbre (Belfort, Causse de Blandas, Cévennes, France - 12/06/1988 - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens).

Abeille domestique Apis mellifica, Apidae, Hyménoptère, butinant Chionodoxa sp. (Hamois, Condroz, Province de Namur, Belgique - 24/03/1995 - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens). Remarquez les corbeilles chargées de pollen sur les pattes postérieures.

Gâteau vide, abandonné depuis 2 ans, d'abeille domestique Apis mellifica, Apidae, Hyménoptère (Lavacherie (Sainte-Ode), Ardennes, Province de Luxembourg, Belgique - 24/07/1996 - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens).

2.7.5 La gynogenèse

On sait depuis longtemps que, dans certaines populations de poissons rouges Carassius auratus auratus, tous les individus sont femelles: les mâles n'existent pas dans ces populations. Pourtant, des femelles isolées dans un bassin ne se reproduisent pas: il faut la présence de mâles d'autres espèces proches. En réalité, les spermatozoïdes d'autres Cyprinidae (famille du poisson rouge chez qui la fécondation est externe) tentent de féconder les ovules pondus par les poissons rouges. Les ovules n'ayant pas connu de réduction chromatique ne peuvent se développer sans l'apport d'un génome mâle, qui dégénère pourtant et n'est pas exprimé dans la descendance. Ce type de parthénogenèse, que l'on connaît aussi chez certains amphibiens et des invertébrés, est la gynogenèse ou pseudogamie.

Variété multicolore de poisson rouge Carassius auratus auratus, Cyprinidae, Ostéichthyen (Elevage à Hamois, Belgique - 30/08/1992 - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens).

Chez la carpe prussienne ou gibelle Carassius auratus gibelio, forme sauvage d'Europe de l'Est du poisson rouge, la gynogenèse est également connue.

Gibelle Carassius auratus gibelio, Cyprinidae, Ostéichthyen (Elevage à Hamois, Belgique - 30/08/1992 - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens).

Naturellement, la gynogenèse est le mode de reproduction de certaines espèces de coléoptères.

On peut d'ailleurs aisément, en laboratoire, déclencher le développement parthénogénétique d'œufs de grenouilles en les piquant délicatement à l'aide de très fines aiguilles de verre.

2.8 L'apomixie

Nous avons vu jusqu'à présent divers exemples de parthénogenèses animales au cours desquelles les ovules diploïdes donnent naissance -sans fécondation- à des femelles. En fait, selon les cas, ces ovules diploïdes sont produits sans connaître de méiose, ou bien ils proviennent de la fusion de deux cellules femelles haploïdes issues de la méiose (automixie).

L'apomixie est un mode de reproduction de certaines plantes -et animaux- au cours duquel l'ovosphère, qui n'a pas subi la méïose, se développe sans fécondation et produit une plantule parfaitement viable. Normalement, la graine provient du développement d'un gamète femelle haploïde, hébergé dans l'ovule, fécondé par un gamète mâle haploïde, issu du grain pollen (amphimixie). Mais chez certaines espèces, comme les pissenlits et les épervières, les graines sont produites sans fécondation, à partir d'un gamète femelle diploïde. Les avantages d'une telle technique de reproduction sont, par rapport aux autres techniques de reproduction asexuée, la grande capacité de dispersion de l'espèce et la possibilité de dormance de la graine, permettant d'attendre les conditions favorables au développement de la plante, et en particulier de surmonter la mauvaise saison. Il résulte de ces isolements génétiques de très nombreuses d'espèces de pissenlits et d'épervières, seulement discernables par des spécialistes, et dont les différences sont génétiquement fixées et transmises de génération en génération.

On connaît aussi des cas d'apomixie chez des poissons et quelques reptiles.

Exemple de plante apomictique: le pissenlit Taraxacum sp., Asteraceae, Asterales, Angiospermes, Spermatophytes (Tervueren, Brabant, Belgique - 25/04/1982 - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens).

Exemple de plante apomictique: l'épervière orangée Hieracium aurantiacum, Asteraceae, Asterales, Angiospermes, Spermatophytes (Jardin alpin du col du Lautaret, Ecrins, France - 20/07/1990 - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens).

A côté de certaines espèces strictement apomictiques, d'autres sont aussi occasionnellement capables de fusionner un gamète femelle diploïde avec un gamète mâle haploïde: l'apomixie se combine alors avec la reproduction sexuée normale, les plantes ainsi formées combinant les caractères des deux parents.

Il s'agit de ne pas confondre l'apomixie et l'autogamie, technique de reproduction sexuée. Les plantes autogames ont leurs gamètes femelles fécondés par les gamètes mâles de la même fleur hermaphrodite, ce qui tente d'être évité chez la plupart des espèces par la position des pièces florales ou le décalage entre la maturation des organes mâles et femelles: les anthères sont mûres avant le déploiement des stigmates chez les fleurs protandres (protandrie) ou les organes femelles sont mûrs avant les organes mâles chez les fleurs protogynes (protogynie).

Exemple de fleurs protandres, le Géranium des bois Geranium sylvaticum, Geraniaceae, Geraniales (Région de Prüm, Eiffel, Allemagne - 25/06/1989 - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens). Chez cette espèce protandre, les anthères sont fanées lorsque les stigmates s'ouvrent.

Exemple de fleur non strictement protogyne: Géranium pourpre Geranium purpureum , Geraniaceae, Geraniales (Brantes, Département du Vaucluse, Région de Provence-Alpes-Côte d'Azur, France - 09/05/2001 - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens). Chez cette espèce comme chez les autres petits géraniums, 5 des 10 anthères sont proches du stigmate et la pollinisation a lieu quelques heures avant l'épanouissement des fleurs; les 5 autres s'allongent ensuite, sortent de la corolle et permettent la fécondation croisée.

Le gouet tacheté Arum maculatum, plante fleurissant vers la fin du mois d'avril dans nos bois, présente une inflorescence remarquable. Celle-ci est entourée d'une grande bractée en forme de cornet étranglé vers son quart inférieur, de couleur verte et bordée de pourpre, appelée spathe. Il en émerge une longue massue brun pourpre qui dégage une odeur fétide attirant de minuscules diptères de la famille des Psychodidae. A l'intérieur de la chambre délimitée par la spathe, l'axe de l'inflorescence ou spadice porte, de bas en haut, des fleurs femelles réduites à des carpelles, quelques fleurs femelles stériles, des fleurs mâles réduites à des étamines et des fleurs transformées en longs poils dirigés vers le bas et disposés à l'entrée de la chambre. Les fleurs mâles et femelles n'arrivent pas à maturité en même temps. Ce n'est que lorsque les stigmates de fleurs femelles sont flétris que le pollen des fleurs mâles est libéré. La fécondation croisée est ainsi obligatoire chez le gouet tacheté: les petits diptères attirés par l'odeur fétide dégagée par la massue se posent sur la spathe turgescente très lisse et tombent dans la cavité. Les poils forment un tamis: ils empêchent l'entrée des gros insectes et la sortie des petits diptères. Ces derniers, prisonniers, s'agitent en tous sens et déposent sur les stigmates l'éventuel pollen qu'ils transportent, s'ils ont visité préalablement une autre inflorescence. Après le flétrissement des fleurs femelles, les fleurs mâles libèrent le pollen qui tombe au fond de la cavité et dont se chargent les petits diptères. Ensuite, les fleurs mâles et les poils fanent, et les insectes chargés de pollen peuvent quitter les lieux, s'agrippant à la spathe dont l'épiderme a perdu sa turgescence et dès lors son aspect glissant.

Gouet tacheté Arum maculatum, Araceae, Arales, Angiospermes, Spermatophytes (Auderghem, Province de Brabant, Belgique - 04/1981 - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens).

Coupe sagittale dans une inflorescence de Gouet tacheté Arum maculatum, Araceae, Arales, Angiospermes, Spermatophytes (Auderghem, Province de Brabant, Belgique - 04/1981 - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens).

Contrairement à la plupart des espèces qui tentent l'allogamie (=fécondation croisée), chez les plantes cléistogames, l'autogamie est rendue obligatoire car le bouton floral ne s'ouvre pas.

Violette hérissée Viola hirta, Violaceae, Violales, Angiospermes, Spermatophytes (Soultzbach-les-bains, Haut-Rhin, Alsace, France - 29/04/2001 - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens). Chez de nombreuses espèces de violettes vraies (sous-genre Viola), les fleurs printanières s'ouvrent mais sont généralement stériles; la seconde floraison, estivale et cléistogame, produit les graines.

3 Signification biologique de la reproduction sexuée

L'existence de la reproduction asexuée permet théoriquement la multiplication de tous les organismes, même pluricellulaires. Pourtant, la reproduction sexuée est largement répandue dans la nature: on la rencontre chez l'Homme et la majorité des animaux et végétaux. Ce mécanisme de reproduction sexuée doit donc présenter un grand avantage pour avoir été sélectionné et conservé chez la grande majorité des êtres vivants.

Imaginons que la reproduction sexuée n'existe pas. La reproduction végétative serait le seul mécanisme de multiplication. Le monde vivant serait fait d'un ensemble de clones complètement séparés les uns des autres; chacun d'eux subsisterait indépendamment, sans possibilité d'acquérir comme nouveaux avantages les caractéristiques des clones voisins.

La reproduction sexuée permet, au contraire de l'hypothèse précédente, un brassage constant des caractéristiques héréditaires entre les divers clones cellulaires que sont les individus d'une population. Dans la mesure où les deux individus parents diffèrent pour un certain nombre de potentialités héréditaires, celles-ci se retrouvent associées chez leur enfant grâce à la reproduction sexuée. Ces possibilités d'adaptation à un milieu changeant constituent un énorme avantage évolutif.

Sexualité et reproduction sont donc associées dans la reproduction sexuée, un mécanisme permettant, à partir de deux individus distincts, la formation de nouveaux individus réunissant les caractéristiques de chacun des parents.

Chez certaines espèces, comme les paramécies, la reproduction asexuée, par simple division cellulaire, et la sexualité sont deux phénomènes temporellement séparés. A certains moments, deux cellules indépendantes s'accollent et échangent une copie de leur noyau, comportant le matériel héréditaire. Ensuite, génétiquement enrichies, les deux cellules se séparent.

Nous sommes habitués à penser à la sexualité en termes de "mâle" et "femelle", nous référant à notre espèce et à celles que nous rencontrons habituellement. Mais cette dualité sexuelle n'est pas unique. On connaît chez une variété de l'espèce de protozoaire cilié Paramecium bursaria pas moins de 8 types sexuels ("mating types") tous identiques morphologiquement; un individu d'un type donné ne conjugue pas avec un individu du même type que lui, mais échange du matériel génétique avec un individu de n'importe lequel des sept autres types sexuels. Chez le champignon Schizophyllum commune, pas moins de 20000 sexes différents ont ainsi été identifiés!

Le schizophylle Schizophyllum commune, Pleurotacées, Agaricales, Basidiomycètes, le champignon aux 20000 sexes... (Forêt de Soignes, Bruxelles, Belgique - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens).