Les preuves paléontologiques de l'évolution

1 Les méthodes de datation

1.1 Datation relative

Les roches sédimentaires fossilifères se déposent chronologiquement en couches successives, les plus récentes au-dessus des plus anciennes. En comparant l'âge relatif de ces roches, les premiers paléontologues pouvaient reconstituer l'ordre d'apparition des diverses formes de vie dont on avait des traces fossiles.

Cette méthode de datation est dite "relative" car elle ne permet de préciser que l'âge des fossiles les uns par rapport aux autres, sans référence à une échelle de temps absolue. Il est possible de comparer l'âge relatif des fossiles de différents gisements en se référant à une couche géologique commune, même si le temps écoulé depuis le dépôt de cette couche sédimentaire est inconnu.

Mais ce n'est qu'à la fin du XIXè siècle, avec la découverte de la radioactivité, qu'il devint possible d'assigner des dates précises aux strates rocheuses et donc aux fossiles qui s'y trouvent.

1.2 Datation absolue

Contrairement à la datation relative, diverses méthodes permettent de situer directement le fossile sur une échelle de temps absolue.

1.2.1 La désintégration radioactive

1.2.1.1 Le "carbone 14"

Tous les organismes vivants, plantes et animaux, contiennent du carbone. Il en existe cependant trois isotopes : 12C, 13C et 14C. A côté du 12C, non radioactif et très répandu, le 14C est présent dans tout organisme vivant en quantité infime mais constante: il se désintègre spontanément au cours du temps selon la réaction:

14C = 14N + b- avec T = 5730 ans

La concentration du 14C reste constante dans l'organisme vivant car il y est réintroduit par des échanges avec le milieu extérieur. A la mort de l'organisme, l'apport extérieur disparaît et la quantité de 14C diminue à vitesse constante: après 5730 ans, seule la moitié du 14C initial est encore présente . La quantité résiduelle de 14C dans un organisme mort, mesurée par la radioactivité qu'il émet, est donc une fonction du temps écoulé depuis sa mort.

Cette méthode est précise pour des fossiles récents, mais devient difficile à utiliser au-delà de 40000 ans car la quantité de 14C résiduel est alors infime. Techniquement, on a besoin d'environ 1g de carbone pur, soit 10g de bois ou 200g d'ossements. Néanmoins, des techniques plus récentes nécessitent moins de matière et permettent d'étendre la méthode à un passé plus lointain; elles impliquent en outre une correction pour des variations dans le temps du rapport 14C/12C. En effet, on part de l'hypothèse que la concentration en 14C dans l'environnement est restée constante au cours des temps, ce qui est vérifié par l'observation de la façon dont le 14C est généré: il s'agit de l'action des rayons cosmiques, principalement composés de protons, sur les noyaux d'atomes d'azote de l'air. Néanmoins, deux phénomènes récents ont influencé cette concentration: à partir de 1850 jusqu'en 1930, la concentration en 14C a diminué (baisse de 4%) à cause de la combustion industrielle massive de carbone fossile non actif (charbon et pétrole); depuis 1954, la teneur en 14C a rapidement rattrapé puis dépassé sa valeur normale à la suite des nombreux essais nucléaires.

1.2.1.2 La méthode "Potassium-argon"

Les roches magmatiques contiennent un isotope du potassium, 40K, qui se désintègre en 40Ca et en un gaz inerte, l'argon 40Ar.

La demi-vie du 40K étant de 1,25.109 ans, la datation sera basée sur la proportion, dans la roche, du potassium et de l'argon. Cette méthode permet de dater l'ensemble des 4,6.109 ans d'histoire de la terre, mais sa limite inférieure est de 105 ans dans les cas les plus favorables de roches riches en potassium.

1.2.1.3 Traces de fission

L'isotope d'uranium 238U se désintègre spontanément par fission: sa demi-vie est d'environ 4,5.109 ans. Pendant cette désintégration, des particules lourdes à haute énergie sont émises: se déplaçant dans du verre ou dans un milieu cristallin, elles laissent des traces d'ionisation d'environ 10 mm, qui peuvent être mesurées au microscope.

La densité de ces traces est comparée aux traces laissées dans le même matériel, préalablement chauffé pour faire disparaître les premières traces, et irradié ensuite par une dose connue de neutrons en provenance d'un autre isotope, l' 235U.

Il est évident que cette méthode de datation doit tenir compte des périodes où les roches ont été réchauffées et pendant lesquelles les traces ont été effacées. Pour utiliser cette méthode de datation, il est indispensable de disposer de minéraux contenant de l'uranium (zircon, micas,...) ou de verre volcanique (obsidienne).

1.2.2 Le paléomagnétisme terrestre

Cette méthode est basée sur le fait que le champ magnétique terrestre a varié au cours du temps en intensité et en direction par rapport au nord géographique. Les changements sont relativement fréquents puisqu'au cours des cinq derniers millions d'années, quatre phases principales d'inversion de polarité ont été observées.

Or, les particules ferromagnétiques (fer, nickel, magnétite,...) conservent l'aimantation acquise lors du refroidissement d'une roche volcanique. Dans certains cas, cette aimantation rémanente, caractéristique de l'intensité et de la direction du champ magnétique, peut être mesurée. L'avantage de la méthode paléomagnétique est qu'elle peut être étendue à l'ensemble des continents: elle constitue donc une intéressante méthode comparative entre diverses régions.

Il se peut que, durant les inversions magnétiques, la terre perdant temporairement sa protection magnétique contre les particules chargées des orages solaires et des rayons cosmiques, la faune et le climat subissent d'importants changements.

2 La fossilisation

2.1 Fossiles et fossilisation

2.1.1 Terminologie

Le terme "fossile" (du latin "fossilis" = "fosse") désignait jadis tout objet extrait du sol. Actuellement, il ne désigne que les restes ou les manifestations de l'existence passée d'organismes. Un mammouth conservé dans les glaces de Sibérie sera considéré comme un fossile, tout comme l'empreinte de ses pas, ses excréments, etc.

Il existe cependant une limite arbitraire à la notion de fossile : les restes doivent être antérieurs à 10 000 ans, soit au début de l'holocène (= temps récent).

Le terme "fossilisation", synonyme de "diagenèse", désigne l'ensemble des phénomènes que subissent, après leur mort, les organismes dont on retrouve des vestiges fossiles.

2.1.2 Processus de fossilisation

Le processus classique de fossilisation comporte trois phases successives : l'enfouissement, la conservation et l'exhumation.

2.1.2.1 L'enfouissement

Dans des conditions normales, un organisme mort se putréfie très rapidement. Pour avoir une chance de se fossiliser, il doit être rapidement protégé de l'action des bactéries et des autres organismes nécrophages. Cette protection lui est assurée par l'enfouissement.

Cône, pomme de pin fossile datant du pléistocène (entre 80000 à 120000 ans) provenant de Zemst, Belgique (Hauteur: 3 cm - Collection Michèle Loneux - Image originale Eric Walravens).

2.1.2.1.1 Enfouissement par sédimentation

Cet enfouissement est, en règle générale, le résultat de l'action de la seule sédimentation, dont l'efficacité dépend du milieu dans lequel elle a lieu. Le milieu aquatique est le plus propice à la sédimentation. La mer est aussi plus propice que les cours d'eau car, dans une rivière, les vestiges fossilisés sont rapidement libérés et éparpillés par l'action de l'érosion toujours active. Les fossiles d'organismes continentaux sont donc rares, les fossiles marins fréquents.

Fossile d'un trilobite Phacops latifrons de 5 cm de long, ayant vécu au début du dévonien (Mur des douaniers, Belgique - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens).

Malheureusement, deux facteurs viennent perturber notre vision de la vie ancienne au travers des fossiles :

Tête et bouche de requin taureau Carcharias (=Eugomphodus) taurus, Odontaspidae, Eusélacien, Chondrichthyen, Vertébré (Aquarium Nausicaa, France - 03/08/1998 - Image originale Eric Walravens).

Dent actuelle de requin tigre Galeocerdo cuvier, du Golfe du Mexique (Floride) (Hauteur: 2 cm - Collection Eric Walravens - Image originale Eric Walravens).

Dent de Otodus obliquus (=Lamna obliqua) provenant de Khouribga (Maroc) et datant de l'éocène (Hauteur: 5 cm - Collection Eric Walravens - Image originale Eric Walravens).

Dent fossile de requin trouvée, au littoral belge, dans les laisses de mer des marées d'équinoxe (Hauteur: 2 cm - Collection Eric Walravens - Image originale Eric Walravens).

Les dents de requins, d'une grande dureté, se conservent bien et constituent des fossiles répandus.

Selon que le lieu d'enfouissement coïncide ou non avec le lieu de vie des organismes, on distingue les fossiles autochtones des fossiles allochtones. Deux cas particuliers d'allochtonie risquant d'induire le paléontologue en erreur sont les fossiles remaniés qui, extraits de la formation géologique où ils étaient conservés, se trouvent incorporés dans un dépôt d'âge plus récent, et les fossiles de contamination, plus récents, qui sont introduits dans des sédiments plus anciens, par exemple sous l'action de l'eau qui les entraîne à travers des fissures; la contamination concerne surtout des microfossiles comme les spores, les grains de pollen, etc.

2.1.2.1.2 Inclusion dans une résine

On connaît une énorme quantité d'insectes du tertiaire (entre 50 et 22 millions d'années) conservés de façon idéale dans l'ambre, une résine fossile de différentes espèces de pins que l'on trouve principalement dans les sédiments des bords de la mer Baltique, et qui, s'étant écoulée des blessures des arbres, a inclus grains de pollen, spores et insectes. On a même retrouvé un petit gecko complet dans l'ambre du tertiaire de Saint-Domingue. Moins rares et contemporaine, mais plus riche en insectes que l'ambre de la Baltique est la résine copal, qui provient d'Agathis dammara, un arbre gymnosperme de la famille des Araucaria.

Rameau de Thuites inclus dans de l'ambre de la Baltique (Leg. Kulik, Musée de la Terre, Varsovie).

Coléoptère inclus dans de l'ambre de la Baltique (Collection particulière, Pologne).

Insectes inclus dans de la résine copal de Madagascar (Collection Eric Walravens - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens).

2.1.2.1.3 Enfouissement dans l'asphalte

L'asphalte est un bitume très visqueux provenant de la décomposition bactérienne anaérobie de débris végétaux, transformant les glucides en hydrocarbures. Dans les Carpates, en Pologne, une carcasse momifiée de rhinocéros laineux a été complètement conservée par imprégnation de sel et d'asphalte.

2.1.2.1.4 Enfouissement dans la tourbe

La tourbe est produite par la décomposition bactérienne, en absence d'oxygène, de végétaux marécageux morts et accumulés. Dans une tourbière acide au Danemark, un Homme a été retrouvé intact dans la tourbe vieille de 2200 ans. Sa conservation exceptionnelle provient de son enfouissement dans un milieu acide et anaérobie.

La tourbe conserve également remarquablement les grains de pollen des gymnospermes et angiospermes du passé. Grâce à leur identification, il est possible de reconstituer la flore, la végétation et le paysage passés.

2.1.2.1.5 Enfouissement dans un permafrost

Dans le permafrost, sol perpétuellement gélé, d'Alaska et de Sibérie ont été retrouvées, conservées par la congélation, les carcasses de plusieurs mammouths vieux de 10000 à 50000 ans et dont l'estomac gardait encore surgelées les dernières plantes qu'ils avaient ingérées, ainsi que des bisons, des chevaux, des rhinocéros laineux, des bœufs musqués, une louve et deux écureuils terrestres. "Dima", un jeune mammouth âgé de sept mois, a ainsi été découvert en Sibérie, parfaitement intact 44000 ans après sa mort.

2.1.2.2 La conservation

Différents phénomènes peuvent modifier, favoriser ou entraver voire compromettre la conservation des fossiles enfouis.

2.1.2.2.1 Phénomènes tectoniques et tassement

Le tassement, qui est fonction de la nature des sédiments : maximal dans les roches argileuses , minimal dans les grès , il provoque souvent l'écrasement du fossile. Les contraintes tectoniques se traduisent par une déformation plus intime du fossile (étirement, gauchissement) ou des cassures.

2.1.2.2.2 Carbonisation

Lorsque l'organisme est enfoui dans le sédiment, sa putréfaction déjà commencée peut s'arrêter, faute d'oxygène. Les débris non putréfiés subissent alors une carbonisation, rare chez les animaux, mais très fréquente chez les végétaux. En absence d'oxygène, la putréfaction est remplacée par une décomposition bactérienne anaérobie au cours de laquelle les bactéries prélèvent les atomes d'oxygène des molécules organiques, ce qui conduit à la formation d'hydrocarbures (bitumes comme l'asphalte ou le pétrole). Dans les lacs peu profonds, les résidus végétaux se transforment ainsi en tourbe, puis en lignite, puis en houille, puis en anthracite, chaque stade correspondant à un enrichissement en carbone lié à une absorption d'oxygène. Heureusement, les structures organiques fossiles ne sont pas toujours détruites lors de la carbonisation.

Pourcentage de carbone

Pourcentage d'oxygène

Pourcentage d'hydrogène

tourbe

55

40

5

lignite

70

26

4

houille

82

14

4

anthracite

94

3

3

La plupart des charbons sont d'âge paléozoïque supérieur et ont donné son nom au carbonifère. Ils se sont formés par accumulation de débris végétaux dans des bassins lacustres ou côtiers et lagunaires. Ils furent formés par saccades, alternant des épisodes d'enfoncement et des épisodes de dépôts d'alluvions sur lesquels la forêt se réinstallait.

2.1.2.2.3 Pétrification

Les os et les coquilles possèdent de nombreux pores, qui peuvent se remplir de matières minérales: c'est la pétrification, qui est plutôt favorable à la bonne conservation des fossiles, bien que ce phénomène puisse altérer certaines structures. Les célèbres iguanodons découverts à Bernissart en 1878 sont, par exemple, très fortement imprégnés de pyrite. En effet, en raison du manque d'oxygène dans les sédiments contenant les ossements, le fer s'y présente sous sa forme réductrice ferreuse Fe2+. Comme les matières organiques dégagent du soufre (provenant des protéines) en se décomposant, le fer et le soufre réagissent pour former de la pyrite (FeS2) qui précipite sur les corps dégageant du soufre. Comme la réaction est légèrement acide, l'apatite (=phosphate de calcium) des os ou le calcaire des coquilles se dissout et est progressivement remplacé par la pyrite qui se forme.

Squelette fossile d'iguanodon de Bernissart Iguanodon bernissartensis, Iguanodontidae, Ornithopode, Ornithischien, Dinosaure, Reptile de 10 m de long, provenant de Bernissart en Belgique et ayant vécu au crétacé inférieur, il y a 120 millions d'années (Museum de l'Institut Royal des Sciences Naturelles de Belgique - Diapositive originale Eric Walravens). L'attitude dressée que lui a donné L. Dollo à la fin du XIXè siècle n'est probablement pas correcte: on considère actuellement qu'il était un quadrupède, néanmoins capable de se dresser sur les membres postérieurs pour se nourrir ou se défendre.

Dans des cas rarissimes, lorsque l'animal fossilise dans des sédiments très fins, les protéines qui constituent certains organes peuvent être lentement remplacées par des minéraux, et les organes, tissus mous, se minéralisent. C'est la cas d'un remarquable fossile d'un jeune dinosaure carnivore du genre Scipionyx de 23 cm de long, découvert en Italie: on peut y voir des traces des muscles, de la trachée-artère, de l'estomac et tout l'intestin! Celui-ci est court comme il se doit chez un carnivore.

Fossile remarquablement conservé d'un petit dinosaure carnivore du genre Scipionyx (d'après http://bl-cito-8sgyg11.ads.iu.edu/life/dino/Scipionyx.JPG).

Des restes végétaux peuvent aussi être conservés par pétrification. Ainsi, le bois, préalablement recouvert par les cendres d'une éruption volcanique, des coulées de boue ou des sédiments dans des lacs ou des marécages, et ainsi soustrait à l'action destructrice de l'oxygène, peut être pétrifié par de la silice, plus rarement par de la calcite, de la pyrite ou de la marcassite. La silice dissoute dans l'eau du sol infiltre le bois enseveli ou immergé et précipite dans les cellules végétales. Durant la pétrification, le bois est si bien préservé que son aspect demeure inchangé et que l'on peut, par exemple, compter les cernes de croissance ou observer les galeries creusées dans le bois par des larves d'insectes. On peut même observer les détails anatomiques cellulaires de la structure du bois et ainsi identifier les espèces d'arbres qui composaient les forêts d'une époque considérée.

Morceau de bois pétrifié fossile provenant de l'ouest des Etats-Unis d'Amérique (Collection Eric Walravens - Image originale Eric Walravens). La silice blanche ou grise est colorée de rouge-brun ou de jaunâtre par des oxydes de fer. Elle peut parfois aussi prendre des teintes bleues ou vertes dues au cuivre, au cobalt ou au chrome, une teinte rose due au manganèse ou au cinabre (HgS), des teintes orange ou jaune brillant due à la carnotite (un composé d'uranium) ou une teinte noire due au carbone ou aux oxydes de manganèse.

Tranche polie d'un tronc de bois pétrifié fossile provenant de La Calamine, Belgique (Collection Eric Walravens - Image originale Eric Walravens).

2.1.2.2.4 Recristallisation

Alors que la nature et la forme générale d'un fossile restent inchangées, sa structure cristalline peut être complètement altérée: c'est la recristallisation. Par exemple, des squelettes formés d'aragonite, forme cristalline orthorhombique du carbonate de calcium, sont-ils fréquemment recristallisés en calcite, forme cristalline rhomboédrique de ce même carbonate de calcium, ce qui en altère toute la structure.

2.1.2.2.5 Incrustation

Certaines sources et fontaines, dites pétrifiantes, ont une eau déposant une croûte calcaire (=carbonate de calcium) sur tous les objets qu'elles baignent: feuilles, insectes,... La précipitation du carbonate est généralement due à une baisse notable de la température, entraînant un départ de dioxyde de carbone, ce qui déplace l'équilibre chimique suivant vers la gauche et précipite du calcaire.

CaCO3 + CO2 + H2O = Ca++ + 2 HCO3-

Les tufs et travertins sont des dépôts de sources et de rivières dites pétrifiantes; la présence d'une riche végétation accélère le dépôt du calcaire, dans la mesure ou l'activité photosynthétique des plantes consomme du dioxyde de carbone et, en déplaçant ainsi l'équilibre chimique précité, induit l'incrustation puis l'inclusion des organismes végétaux dans le carbonate de calcium précipité.

Formation de tuf sous l'action des mousses croissant dans une zone de ruissellement (Gorges de l'Omblève, Vercors, France - 07/06/1988 - Diapositive originale réalisée par Eric Walravens).

2.1.2.2.6 Dissolution

Sous l'action de l'eau d'infiltration, il arrive que la coquille carbonatée de certains fossiles soit dissoute. Le fossile peut néanmoins subsister après dissolution sous forme d'un moulage interne ou externe. La systématique des ammonites, par exemple, est basée sur les lignes de sutures internes de la coquille, que l'on retrouve sur les moules internes, mais qui restent invisibles lorsque la coquille est conservée.

Moule externe d'une ammonite fossilisée (Diamètre: 4 cm - Collection Michèle Loneux - Image originale Eric Walravens).

Fossiles de Spirifer (Cyrtospirifer) verneuilli, Brachiopodes datant du dévonien (entre 400 à 350 millions d'années), provenant de Barvaux-sur-Ourthe, Belgique (Le plus gros fossile mesure 7cm x 4cm - Collection Eric et Michèle Walravens-Loneux - Image originale Eric Walravens).

2.1.2.2.7 Substitution

La substitution consiste en le remplacement des composés dont est fait l'organisme par d'autres, différents. Si ce remplacement s'effectue en masse, la structure interne du fossile est perdue. Si le remplacement s'effectue molécule par molécule, la structure interne est parfaitement conservée, ce qui malheureusement très rare.

Fossile d'Orthoceras du Paléozoïque (Longueur: 17 cm - Collection Eric Walravens - Image originale Eric Walravens). La coquille externe et les parois séparant les loges ont été substituées par un sédiment apparaissant noir. On remarque les dépôts secondaires de calcaire blanc dans les loges à gaz.

2.1.2.2.8 Formation d'une résine

Curieusement, alors que la putréfaction tend à faire disparaître les cadavres, le phénomène peut lui-même arriver à conserver la matière. Certaines bactéries décomposant la kératine de plumes produisent une colle polysaccharidique qui adhère au substrat et forme une résine inaltérable préservant le contour de la plume.

2.1.2.3 L'exhumation

L'exhumation du fossile est due, le plus souvent, à l'effet de l'érosion et survient, secondairement, lors de l'activité humaine (exploitations minières, carrières, tunnels ou tranchées,...)

2.2 Pseudofossiles

On qualifie de pseudofossiles les substances organiques amorphes, issues d'êtres vivants (résine) ou de leur dégradation (charbon, hydrocarbures) et les dépôts minéraux liés à leur activité spécifique (stromatolithes).

Certaines structures rencontrées dans les terrains sédimentaires revêtent une forme qui peut faire penser à des vestiges d'êtres organisés ayant subi un processus de fossilisation. C'est le cas des dendrites de manganèse, résultant du dépôt, sous l'action de bactéries, d'hydroxyde de manganèse contenu dans les eaux d'infiltration, et qui pourraient être confondues avec des arborisations végétales.

2.3 Les plus anciennes traces fossiles connues

Les terrains précambriens sont pauvres en fossiles identifiables, ce qui est principalement dû aux actions destructives du métamorphisme et à la rareté des êtres vivants. Dans les terrains très anciens, antérieurs à un milliard d'années, il n'y a ni fossiles déterminables ni pistes, mais tout au plus des stromatolithes. Les stromatolithes sont des concrétionnements d'origine biologique, au vu de l'observation locale d'abondants fantômes de filaments, semblables à ceux des cyanophycées qui édifient par calcification des encroûtements ou des constructions hémisphériques dans les eaux actuelles. Les stromatolithes anciens sont surtout connus dans les dépôts marins, depuis le précambrien supérieur jusqu'au tertiaire. Sur les rivages de toutes les mers chaudes et tempérées actuelles, on trouve des édifices dont la morphologie est due à la croissance de cyanophycées. Les plus célèbres sont ceux de Shark Bay, en Australie occidentale, et des Bahamas, dont la forme en massue trapue, en dôme ou en tapis gaufré est tout à fait identique à celle des formes du précambrien et du paléozoïque.

Coupe polie dans des stromatolithes du jurassique (170 millions d'années) de Bristol (Grande Bretagne) (Collection Eric Walravens - Image originale Eric Walravens).

Structure des stromatolithes du jurassique (170 millions d'années) de Bristol (Grande Bretagne).

Les méthodes paléobiochimiques ont aussi permis de déceler des traces de vie sous forme de matière organique. Sachant, par exemple, que le rapport 12C/13C est constant (de 90,1 à 92,8) dans les tissus végétaux ou animaux, actuels ou fossiles, on a pu démontrer la nature organique de la shungite de la région du lac Onega en Carélie, près de la Mer Blanche. La shungite est le plus ancien charbon connu, d'origine planctonique, et est assez abondante pour avoir été exploitée pendant la guerre pour chauffer les locomotives d'une ligne de chemin de fer soviétique.