Grossesse et accouchement

1 Embryogenèse humaine et grossesse

On a l'habitude de diviser l'embryogenèse humaine en deux phases : la phase embryonnaire, qui dure deux mois et au cours de laquelle s'effectue la mise en place des organes fondamentaux, aboutit à la formation d'embryons très semblables chez tous les vertébrés, reflétant leur origine commune ; puis la phase fœtale, qui s'étend jusqu'à la fin du 9è mois et qui sert à parfaire ces organes, permet de voir se développer un fœtus aux caractéristiques humaines.

1.1 Phase embryonnaire

1.1.1 Blastulation et implantation

Après la fécondation, l'oeuf ou zygote commence à se diviser (et paraît au stade "morula" au terme de la segmentation) en même temps qu'il descend dans la trompe de Fallope et gagne l'utérus. Pour y arriver, il lui faut une petite semaine, au terme de laquelle l'embryon s'est creusé, a atteint le stade "blastula" et porte le nom de blastocyste. Il est formé d'une masse de cellules, le bouton embryonnaire, entourée d'une couche de cellules qui forment le trophoblaste et d'une vaste cavité remplie de liquide et séparant sur leur plus grande longueur bouton embryonnaire et trophoblaste: c'est le blastocœle, qui est donc extra-embryonnaire.

C'est à ce stade de blastocyste que l'embryon sort de sa coque résistante (=zone pellucide): c'est l'éclosion. Il arrive quelques jours plus tard au contact de la muqueuse utérine et commence à s'y implanter: c'est la nidation. Le trophoblaste sécrète des enzymes qui digèrent partiellement les tissus et vaisseaux sanguins de l'endomètre. Cette digestion produit des déchets qui sont peut-être à l'origine des nausées et des vomissements qui accompagnent fréquemment les premiers mois de la grossesse. La muqueuse utérine recouvre ensuite le blastocyste, masquant la zone de nidation.

1.1.2 Gastrulation

Les cellules du bouton embryonnaire forment un disque embryonnaire composé de deux couches superposées : la plus proche de la périphérie est l'ectoderme et la plus éloignée l'endoderme. Deux cavités apparaissent alors : la cavité amniotique au sein de l'ectoderme, limitée par un sac fait de cellules ectodermiques, l'amnios, et le sac vitellin au sein de l'endoderme. L'amnios grandira et enveloppera progressivement l'embryon qu'il protégera pendant son développement. Le sac vitellin, encore appelé vésicule ombilicale, a primitivement un rôle nutritif chez les oiseaux car il contient le vitellus ou jaune de l'oeuf ; chez les mammifères, son rôle est réduit.

Le mésoderme se forme comme chez les oiseaux, par migration de cellules entre les feuillets ectodermique et endodermique. Les bords du disque embryonnaire s'incurvent et les trois feuillets finissent par former un corps tubulaire comprenant une couche interne endodermique, une couche externe ectodermique et une couche intermédiaire mésodermique.

1.1.3 Les membranes annexes extra-embryonnaires

Annexes extra-embryonnaires d'un mammifère placentaire à un stade précoce. (Dessin original réalisé par Eric Walravens)

Annexes extra-embryonnaires d'un mammifère placentaire à un stade plus avancé. (Dessin original réalisé par Eric Walravens)

C'est au cours de la période embryonnaire que se forment les membranes annexes extra-embryonnaires qui protègent et nourrissent l'embryon.

Annexes extra-embryonnaires d'un oiseau. (Dessin original réalisé par Eric Walravens)

1.1.4 Formation du placenta (ou délivre)

Dès la nidation, un tissu établissant les relations entre la mère et l'embryon apparaît: c'est le placenta ou délivre, qui ne sera complètement développé que vers le 3è mois de la grossesse. Des villosités se développent à partir du trophoblaste (= le futur chorion), mais seules celles d'un côté croissent et s'enfoncent profondément dans l'endomètre; les autres se résorbent. Grâce aux villosités, la surface d'échange entre la mère et l'enfant atteint 14 m2!

Le placenta comprend une partie fœtale chorionique et une face maternelle utérine, la caduque, entre lesquelles se trouvent des sinus contenant du sang maternel. Les villosités chorioniques baignent donc dans le sang maternel, mais les sangs ne se mêlent pas. Néanmoins, le placenta est le lieu de nombreux échanges fœto-maternel:

1.2 Phase fœtale

La phase fœtale est caractérisée par une augmentation de taille et de masse considérable: la masse passe de quelques g à plus de 3 kg et la taille peut atteindre 50 cm. Le sexe devient reconnaissable. Avec cette croissance accélérée, les proportions se modifient et la tête ne fait plus qu'un quart du corps. Les mouvements ne sont plus de simples flexions des membres ou des courbures du cou : le fœtus remue vigoureusement dès qu'il se sent mal à l'aise et la mère en devient consciente. Les systèmes commencent à fonctionner: le fœtus suce son pouce, avale du liquide amniotique et peut même uriner.

1.3 Hormones de la grossesse

Le chorion du placenta produit de la HCG l'hormone chorionique gonadotrophique (ou "human chorionic gonadotropin"), qui empêche en début de grossesse la dégénérescence du corps jaune. C'est cette hormone qui est recherchée dans l'urine lors des tests de grossesse. La HCG induit, comme la LH, un taux élevé d'œstrogènes et de progestérone: la synthèse de GnRH est ainsi inhibée et par là-même et toute nouvelle ovulation devient impossible. Si l'embryon meurt, la synthèse d'HCG cesse, le corps jaune dégénère, le taux d'œstrogènes et de progestérone chute provoquant un avortement spontané ou fausse-couche.

Ensuite, le placenta commence aussi à produire de la progestérone et des œstrogènes, ce qui permet de maintenir leur niveau sanguin après la dégénérescence du corps jaune. C'est toujours ce niveau élevé d'hormones chez la femme enceinte qui assure, par rétro-action, que de nouveaux follicules ne parviendront pas à maturité ; la muqueuse utérine reste également gonflée et les règles n'apparaissent pas, ce qui permet à l'embryon de poursuivre son développement.

Le chorion du placenta fabrique enfin la HCS ou hormone chorionique somatoamniotrophique. Le taux de cette hormone dans le sang de la mère augmente proportionnellement avec la masse du placenta. Cette hormone entraîne une utilisation réduite du glucose sanguin par la mère, ce qui en laisse plus pour le fœtus, et favorise la libération d'acides gras à partir des réserves graisseuses, ce qui constitue une source d'énergie supplémentaire pour la mère.

Taux d'hormones sexuelles dans le sang de la femme durant la grossesse et après l'accouchement. (Graphique original réalisé par Eric Walraven)

1.4 Examens prénataux

Un certain nombre d'examens prénataux de contrôle de la morphologie et de la croissance du fœtus permettent de déceler d'éventuels problèmes congénitaux ou des maladies d'origine héréditaire (mongolisme = syndrôme de Down = trisomie 21 par exemple). Dans ce dernier cas, on a besoin de cellules embryonnaires ou fœtales.

1.4.1 Echographie

La seule méthode d'examen et de surveillance pratiquée systématiquement à trois reprises au cours de la grossesse est l'ultrasonographie ou échographie. En visualisant sur un moniteur l'écho d'ondes sonores de hautes fréquences (des ultra-sons) dirigées dans le ventre de la femme, on peut observer les organes du fœtus. C'est au cours des dernières échographies que l'on observe le sexe du fœtus.

Echographie originale d'un fœtus de 12 semaines (14 semaines d'aménorrhée). Merci à Annick P.

1.4.2 Amniocentèse

Dès la 16è semaine de grossesse, l'amniocentèse consiste à prélever avec une longue seringue une petite quantité de liquide amniotique contenant quelques cellules fœtales. Si le liquide est pauvre en cellules, celles-ci sont mises en culture pour les multiplier ; un délais de 2 à 4 semaines de culture est dès lors nécessaire avant qu'on puisse avertir les parents des résultats.

1.4.3 Fœtoscopie

Méthode plus complexe que l'amniocentèse et également pratiquable dès la 16è semaine de grossesse, la fœtoscopie consiste en l'insertion, par une étroite incision dans l'utérus, d'un tube permettant d'examiner visuellement de petites surfaces fœtales pour prélever des échantillons de tissu cutané et de sang à des fins d'analyse.

1.4.4 Biopsie chorionique

Pour pratiquer une biopsie chorionique, le médecin prélève des cellules embryonnaires dès la 5è semaine de grossesse, en insérant un long tube fin dans le vagin et dans l'utérus. Grâce à un contrôle visuel donnée par échographie, on insère le tube entre l'endomètre et le chorion, puis, par succion, on ôte quelques cellules du chorion dont on peut faire l'examen chromosomique ou biochimique.

1.5 Hygiène de la femme enceinte

1.5.1 Régime alimentaire et consommation de médicaments

Toute femme enceinte doit limiter très sérieusement la consommation d'aspirine, de caféine (café, thé, cola) et d'alcool. Elle doit éviter le contact avec des substances fœtotoxiques comme les pesticides, la fumée de cigarette. Si elle soupçonne d'être enceinte, elle doit s'abstenir de prendre une pillule anticonceptionnelle, sous peine de risquer d'entraîner des anomalies du développement chez l'enfant.

Certains médicaments, qui passent la barrière placentaire, peuvent causer des problèmes du développement fœtal. C'est ainsi que, de 1959 à 1962, la thalidomide (vendue entre autres sous le nom de Softénon) fut administrée aux femmes enceintes pour soulager leurs nausées en début de grossesse. On ignorait alors les effets secondaires désastreux et irréversibles du médicament en début de grossesse: une action tératogène sur le développement du fœtus, qui présente des membres atrophiés ou même absents. En effet, la thalidomide est une molécule chirale (=pouvant exister sous deux formes qui sont symétriques comme les deux mains) et le médicament était vendu sous sa forme racémique, c'est-à-dire un mélange 50%/50% des deux énantiomères (=les deux formes). Or l'un est un inhibiteur de l'angiogénèse, c'est-à-dire du processus de formation de nouveaux capillaires sanguins à partir de vaisseaux pré-existants.

Il est important pour la femme enceinte d'éviter de consommer trop de sel et un régime désodé (=sans sel) est bienfaisant, même au cours d'une grossesse normale.

Toute femme enceinte doit se soumettre à des contrôles dentaires et à un régime riche en calcium, car la croissance de l'embryon peut entraîner une décalcification, et la fragilisation des dents peut provoquer des caries.

1.5.2 Maladies dangereuses

On recommande à toute fille d'être immunisée contre la rubéole avant la puberté, le virus pouvant entraîner, chez l'enfant d'une femme atteinte pendant les cinq premiers mois de sa grossesse, des lésions oculaires et cardiaques, la surdité, des anomalies du crâne et du cerveau.

La toxoplasmose est une maladie parasitaire due au protozoaire Toxoplasma gondii. C'est une affection très fréquente (9 personnes sur 10 l'ont contractée) et bénigne, passant souvent inaperçue, que l'on attrape par consommation de viande mal cuite ou au voisinage des chats. Malheureusement, la toxoplasmose congénitale, transmise au fœtus par une femme enceinte contractant cette maladie, est une forme grave qui atteint le système nerveux central et crée des lésions oculaires. Il est donc important de savoir si la femme enceinte est bien immunisée naturellement, et de prendre des précautions spéciales d'hygiène si ce n'est le cas.

Virus de la famille des Herpes, le cytomégalovirus (CMV) se contracte par contact avec la salive, les urines et les gouttelettes d'expectoration. 50 % de la population est porteuse de CMV. C'est la primo infection d'une femme enceinte (=première atteinte par la maladie) qui est à l'origine du risque fœtal, par transmission sanguine dans 30% des cas: 10% des enfants infectés de façon congénitale meurent in utero ou présentent des lésions sévères (microcéphalie, hydrocéphalie) à la naissance, et chez 10% des séquelles nerveuses ou sensorielles peuvent apparaître jusqu'à l'âge de 2 ans. Les réactivations (=deuxième, troisième infections etc. chez la mère enceinte) ne semblent pas causer de problème aux fœtus. Il est donc aussi important de savoir si la femme enceinte est bien immunisée naturellement, et de prendre des précautions spéciales d'hygiène si ce n'est le cas.

1.5.3 Grossesse et facteur Rhésus

Les hématies du singe asiatique Macacus rhesus portent un agglutinogène baptisé "rhésus". Or 85 % des Européens portent sur leurs globules rouges cet Ag Rh: ils appartiennent au groupe sanguin Rh+, les 15 % restants ne portant pas cet antigène et étant baptisés Rh-.

Il est important de savoir que l'agglutinine antiRh n'apparaît dans le sang d'une personne Rh- qu'après un premier contact avec l'antigène Rh, c'est-à-dire après immunisation par l'antigène Rh. Cette immunisation apparaît :

2 Accouchement ( = parturition )

2.1 Expulsion du fœtus

La grossesse ou gestation est de 270 jours soit 38,5 semaines en moyenne chez la femme. La naissance est donc prévue après 40,5 semaines d'aménorrhée (=période sans menstruations).

La durée de la gestation varie beaucoup selon l'espèce de mammifères:

Les contractions involontaires de l'utérus se produisent régulièrement et imperceptiblement tout au long de la grossesse, mais au cours du 9è mois, leur intensité et leur fréquence augmente pour culminer au cours du travail nécessaire à l'expulsion du nouveau-né. On pense que c'est la progestérone, d'origine ovarienne puis placentaire, qui réprime les contractions utérines.

Le travail est sous contrôle hormonal :

Avant la dilatation du col utérin, le bouchon muqueux, qui empêchait les bactéries et les spermatozoïdes de pénétrer dans l'utérus durant la grossesse, est expulsé. Pendant le travail, le col s'ouvre, s'efface progressivement, et la portion inférieure de l'utérus remonte, ce qui permet à la tête du bébé de pousser, favorisant la dilatation du col. Son diamètre doit atteindre 10 cm pour permettre le passage du bébé.

Si cela ne s'est pas encore passé, le sac amniotique ou "poche des eaux" se rompt ou est rompu artificiellement et le liquide amniotique s'écoule : c'est la "perte des eaux".

La mère éprouve alors le désir de pousser, par une contraction cette fois volontaire, pour expulser le bébé.

Lorsque l'orifice vaginal ne peut se dilater suffisamment pour que la tête s'engage, on pratique une épisiotomie, incision franche du périnée qui cicatrisera plus facilement qu'une déchirure involontaire. La tête sortie, les épaules du bébé subissent une rotation et la face se tourne à gauche à droite; les épaules émergent l'une après l'autre et le corps n'a plus qu'à suivre.

2.2 Délivrance

Après l'expulsion du fœtus, les dernières contractions utérines expulsent le placenta: c'est la délivrance.

2.3 Indépendance du nouveau-né

Pour passer de l'état de dépendance vis-à-vis du placenta à l'état d'indépendance hors de l'utérus, le bébé doit adapter rapidement sa respiration et sa circulation sanguine.

Pendant la grossesse, le foetus reçoit l'oxygène du placenta par la veine ombilicale. Les poumons sont inactifs. La majeure partie du sang oxygéné passe au travers du foie, et le reste passe directement dans la circulation générale par le canal veineux d'Arantius. Dans le coeur, la plus grande partie du sang court-circuite le ventricule droit par le trou de Botal, entre les deux oreillettes. Du sang qui atteint le ventricule droit, les deux tiers gagnent l'artère aorte par le canal artériel de Botal et le reste va aux poumons via l'artère pulmonaire.

A la naissance, la circulation placentaire est coupée, et la concentration en dioxyde de carbone dans le sang stimule les cellules du centre respiratoire du tronc cérébral, qui déclenchent la respiration et déplissent les poumons. Le trou de Botal, le canal veineux d' Arantius et le canal artériel de Botal se ferment dès la naissance et le système circulatoire devient indépendant.

Le nombril ou ombilic, cicatrice qui marque l'emplacement du cordon ombilical dans l'abdomen du fœtus, est le seul témoin externe de notre dépendance passée.

2.4 Accouchement sans douleur

Une femme qui le désire peut profiter d'une anesthésie péridurale du bassin, supprimant la douleur due aux contractions utérines. On opère par injection locale d'un produit anesthésiant dans l'espace entre la dure-mère, la plus externe des enveloppes méningées, et l'os, profitant de ce que cet espace est le plus vaste dans le bas du canal rachidien.

On pratique parfois l'anesthésie péridurale en cas de césarienne, ce qui a l'avantage de ne pas risquer d'anesthésier (par voie sanguine) le fœtus.

3 Lactation

3.1 Avantages du lait maternel

Vers la fin de la grossesse et durant les premiers jours qui suivent l'accouchement, les glandes mammaires sécrètent le colostrum, un liquide trouble riche en lactose et ne contenant quasiment pas de graisse. Il suffit à nourrir le nouveau-né et contient des anticorps maternels protégeant l'enfant durant les premiers mois de sa vie.

Outre le contact intime obligatoire qu'il maintient entre la mère et son enfant, l'allaitement maternel offre bien des avantages et devrait être, dans la mesure du possible, poursuivi jusqu'à 6 mois et même au-delà (en Afrique noire, l'allaitement maternel est une source non exclusive d'alimentation des enfants jusqu'à deux ans, dans des circonstances où il constitue le seul régime alimentaire complet):

3.2 Induction de la lactation

La lactation, ou sécrétion et éjection de lait par les glandes mammaires, doit être précédée, au cours de la grossesse, du développement des seins, puis de la montée de lait dans les glandes mammaires ainsi préparées.

Un haut taux d'œstrogènes et de progestérone ainsi que la HCS déterminent pendant la grossesse le développement des glandes mammaires en vue de la lactation.

La montée de lait dans les seins développés est induite par la prolactine, une hormone hypophysaire ( dont la sécrétion est sous contrôle de la PRH de l'hypothalamus ) apparaissant à la naissance et maintenue grâce au rétro-contrôle neuro-hypothalamo-hypophysaire de succion du mamelon.

L'ocytocine, hormone hypophysaire, entraîne la contraction des glandes mammaires et l'expulsion du lait. Sa synthèse est sous contrôle direct d'un rélexe de succion du mamelon.

On constate que tant qu'une femme allaite, l'ovulation et le cycle menstruel n'ont pas lieu. La succion des mamelons induit un influx nerveux qui supprime la synthèse de Gn-RH, nécessaire, via la LH à toute ovulation. L'allaitement maternel ne constituant pas une méthode très fiable, on conseille à la femme allaitant une mini-pillule comme moyen contraceptif supplémentaire.