Les états de la matière

1 Chaleur et température

1.1 Chaleur et expérience de JOULE

La chaleur est une quantité d'énergie, que l'on peut transférer d'un corps à un autre. Ce n'est qu'une des façons possibles, comme le travail mécanique ou l'électricité par exemple, de transférer une quantité énergie d'un corps à un autre. C'est en l'honneur du physicien anglais JOULE (1818-1889), qui montra l'équivalence entre la chaleur et le travail mécanique, que l'unité, actuellement reconnue, de chaleur, de travail ou d'énergie est le Joule (symbole J).

Le Joule est défini comme un travail correspondant à une force de 1 Newton dont le point d'application se déplace de 1 mètre dans la direction et le sens de la force (1 J = 1 N . 1 m). Notons néanmoins son équivalence avec une ancienne unité encore utilisée, la calorie (symbole cal):

1 cal = 4,18 J et donc 1 kcal (parfois écrit 1 Cal) = 4,18 kJ

JOULE construisit le dispositif expérimental illustré ci-dessous et trouva l'équivalent thermique (=chaleur) d'un travail mécanique (=déplacement d'une masse).

Expérience de JOULE pour la détermination de l'équivalence thermique d'un travail mécanique (dessin E. Walravens).

Une masse de 1 kg tombe sous l'effet de la pesanteur terrestre et entraîne un cable qui fait tourner un rotor solidaire de pales tournant dans un calorimètre (=cuve parfaitement isolée thermiquement) rempli d'eau. Sous l'effet du mouvement des pales, la température de la masse d'eau augmente (collision des molécules). Cela correspond à un apport de chaleur en J/kg d'eau.

JOULE observa qu'une masse m de1 kg doit tomber d'une hauteur h de 426,8 m pour produire une quantité de chaleur w de 4187 Joules, soit la quantité de chaleur nécessaire pour augmenter de 1°C la masse de 1 kg d'eau. Cette masse m exerce une force f du fait de l'accélération de la pesanteur a.

Energie = force x distance (w = f . d)

et force = masse x accélération (f = m . a)

Donc énergie = masse x accélération x distance (w = m . a . d)

w = m . g . h = 1 kg . 9.81 m/s2 x 426,8 m = 4187 kg.m2/s2 = 4187 J

Ainsi l'on sait que la chaleur nécessaire pour augmenter de 1°C la température d'une masse de 1 kg d'eau liquide égale un travail de 4187 J.

1.2 Température

La température est une des manifestations de l'agitation des atomes ou des molécules qui constituent la matière. Lorsque l'on souffle sur un potage trop chaud pour le refroidir, on ne pense pas au processus moléculaire engendré: les molécules étant animées d'un mouvement incessant et désordonné, il arrive que certaines d'entre elles, plus bousculées que les autres, acquièrent une énergie supérieure. Si elles se trouvent près de la surface du liquide, elles peuvent échapper à l'attraction des autres molécules du liquide. Il suffit alors de souffler pour les éloigner définitivement du liquide, dans lequel ne restent que des molécules moins énergétiques.

La température est donc associée à l'énergie des molécules, mais de façon indirecte. Lorsqu'on lance une boule de neige, et qu'on lui communique de ce fait de l'énergie sous forme d'un travail, l'énergie de chacune de ses molécules augmente d'une même quantité sans que la température de la boule varie pour autant. Lorsqu'on la chauffe par contre, on augmente de manière aléatoire et sélective l'énergie de certaines molécules.

La température est donc liée à la proportion entre molécules très énergétiques et molécules de moindre énergie.

1.3 Les différentes échelles de température

Différentes échelles de température ont vu le jour dans différents pays. Aujourd'hui encore, trois échelles distinctes sont utilisées.

1.3.1 Echelle FAHRENHEIT

NEWTON (1642-1727) avait suggéré en 1701 que la température du corps humain et le point de congélation de l'eau servent de repères pour calibrer un thermomètre. En 1702, l'astronome, physicien et fabricant d'instruments de mesure danois ROEMER (1644-1710) construisit un thermomètre basé sur la dilatation de l'alcool en fonction de la température: un fin tube en verre de diamètre constant est rempli d'alcool puis scellé. ROEMER n'a pas publié la méthode qu'il utilisa (ou bien ces notes furent détruites dans l'incendie de Copenhague de 1728), mais en 1708, le physicien polonais FAHRENHEIT (1686-1736) le regarda travailler, et consigna ses observations.

Le zéro du thermomètre à alcool de ROEMER aurait été établi par le point de congélation d'une saumure d'eau, de glace et de chlorure d'ammonium. Le point d'ébullition de l'eau a été fixé à 60 degrés (ROEMER était astronome!). ROEMER constata alors que le point de congélation de l'eau pure correspondait à un huitième de son échelle thermométrique (soit 7,5 degrés). Il utilisa dès lors cette valeur comme second point fixe, évitant celui de l'ébullition de l'eau, pour étalonner d'autres thermomètres destinés à un usage météorologique, moins longs car ne devant pas mesurer des températures élevées.

FAHRENHEIT utilisa quant à lui du mercure, améliora l'échelle en augmentant le nombre de divisions, et établit l'échelle qui porte aujourd'hui son nom. Au départ, son échelle ne comportait que 12 divisions, mais plus tard il subdivisa chaque division en 8 degrés égaux, d'où la valeur de 96 degrés pour le repère supérieur de son échelle. FAHRENHEIT décida de fixer le zéro pour la température d'un mélange égal de sel et de glace fondante, et 96 degrés comme la température du sang. FAHRENHEIT observa secondairement que l'eau gèle à 32 degrés et bout à 212 degrés. Quelque temps après la mort de FAHRENHEIT, afin de remédier à certaines imprécisions de mesure, il fut décidé de recalibrer l'échelle en prenant 32 °F et 212 °F comme points de fusion et d'ébullition de l'eau pure. Il en résulte que la température du corps humain est de 98,6 °F plutôt que 96 °F.

L'échelle de Fahrenheit était largement utilisée en Europe jusqu'à son remplacement par l'échelle centigrade. Elle est toujours utilisée de nos jours aux États-Unis et dans certains pays anglophones.

1.3.2 Echelle centigrade ou CELSIUS

L'échelle centésimale, centigrade ou Celsius fut imaginée par le physicien suédois CELSIUS (1701-1744) qui construisit en 1742 un thermomètre à mercure marquant 100° au point de congélation de l'eau et 0° au point d'ébullition de l'eau. Mais en 1745, le naturaliste suédois LINNE (1707-1778) inversa l'échelle des températures et présenta à l'Académie suédoise un thermomètre à mercure qui marquait 0° pour la glace fondante et 100° pour l'eau bouillante.

Il faut insister sur le fait que cette échelle de température constitue un repérage des températures, qui permet de les situer les unes par rapport aux autres, et non une mesure: il serait absurde de dire qu'un corps à 0 °C n'a pas de température, tout comme affirmer qu'un corps à 20 °C a une température deux fois plus élevée qu'un corps à 10 °C; ces valeurs numériques sont liées au choix arbitraire de la température de la glace fondante pour la valeur 0 °C. De la même façon, dire qu'une température est négative dans l'échelle Celsius veut simplement dire qu'elle est inférieure à celle de la glace fondante.

1.3.3 Echelle KELVIN

On sait que, à volume constant, la pression d'un gaz croît avec la température: il est, par exemple, très dangereux de jeter au feu une bombe d'aérosol, au risque de la voir exploser. Si l'on mesure la pression d'une quantité constante de gaz (aucune fuite) contenue dans un volume constant (récipient rigide) en fonction de la température, on obtient des valeurs directement proportionnelles, qui se placent sur une droite dans un graphique. On peut répéter ces mesures pour différents volumes, toujours constants. Si l'on extrapole les résultats en prolongeant graphiquement les droites obtenues, on constate qu'il doit exister une température à laquelle la pression devrait être nulle. Cette température est la même pour tous les gaz quel que soit le volume utilisé pour les mesures.

Graphique illustrant la pression d'une même quantité de gaz à volume constant en fonction de la température. Les mesures ont été effectuées pour 3 volumes différents (=3 couleurs) et les droites ont été extrapolées (parties plus claires) vers les basses températures (graphique original réalisé par Eric Walravens).

Les progrès de la chimie au 18è siècle ont ainsi permis de montrer qu'il est impossible de descendre en- dessous de cette température, qui est appelée le zéro absolu et qui correspond à - 273,15 °C. KELVIN (1824-1907) proposa une  échelle de température différente de CELSIUS. Il décida d'utiliser la température correspondant à la pression nulle d'un gaz comme point d'origine (0K), mais de conserver la valeur des degrés Celsius pour mesurer des écarts de température. Ainsi, l'échelle Kelvin est une simple translation de 273 degrés vers les basses températures de l'échelle Celsius, pour éviter les températures négatives. Depuis 1954, le Kelvin est officiellement l'unité de mesure de température, et est seul utilisé dans les formules physiques ou chimiques. Remarquons que pour éviter la confusion entre les degrés Celsius et Kelvin, on parle de Kelvin et non de degré Kelvin.

1.3.4 Conversion d'une température dans diverses échelles

Afin de convertir une température donnée dans différentes échelles, il convient de se rappeler que:

On peut résumer ces calculs en quelques formules que l'on retrouvera par réflexion et en s'aidant de la figure ci-dessous:

Comparaison des échelles de température et points de conversion (schéma original réalisé par Eric Walravens).

2 Les états de la matière

Macroscopiquement les trois états de la matière se distinguent par leur fluidité et leur compressibilité:

Du point de vue moléculaire, les états de la matière se distinguent par la mobilité plus ou moins grande de leurs atomes:

Illustration de la position (dessins du haut) et du mouvement des molécules (tracés du bas) dans les états de la matière solide (à gauche), liquide (au milieu) et gazeux (à droite).

Diagramme original nommant les changements d'état (réalisation Eric Walravens).