Dent et hygiène dentaire

1 Denture humaine

1.1 Formule dentaire

Les différents mammifères sont caractérisés par une formule dentaire, illustration de leur régime alimentaire. Il est de règle que toutes les espèces d’un genre présentent une même formule dentaire.

La formule dentaire d’une espèce est le dénombrement des dents de chaque type d’une hémi-mâchoire et d’une mandibule. Celle de l’homme adulte est :

1.2 La denture

Suivant leur forme, et donc leur rôle, on distingue, chez l’homme, 4 sortes de dents :

De gauche à droite: incisive, canine, prémolaire et molaire humaines.

Forme des dents de laits (à gauche) et définitives (à droite).

Selon qu’on observe la face masticatrice des dents, la face externe ou le côté interne, on parle de vues occlusale (voir schéma), vestibulaire ou linguale.

1.3 Evolution des dents et dentition

On distingue la denture, qui correspond à l'ensemble des dents, et la dentition, qui regroupe les phénomènes anatomiques et physiologiques conduisant à la mise en place de la denture.

Chez l’enfant, la première denture, dite "de lait" ou lactéale, comporte 20 dents : 8 incisives, 4 canines et 8 molaires. A cette denture temporaire succèdent, à partir de l’âge de 6 ans, les 32 dents permanentes comprenant 8 incisives, 4 canines, 8 prémolaires et 12 molaires, dont les 4 dernières constituent les dents de sagesse. Progressivement, les bourgeons des dents définitives se développent tandis que se résorbent les racines des dents de laits situées au-dessus d’eux, qui tombent alors d’elles-mêmes.

Dentures lactéale (à gauche) et définitive (à droite) et moment d'éruption de chaque dent (d'après Tortora et Anagnostakos).

Dentures lactéale (en blanc) et définitive (en bleu) en place (d'après une brochure d'information éditée par Fluocaril).

Radiographie (26/09/2001) des dents d'une jeune fille de 15 ans (Scan original; merci à Alexandra V.). Remarquez les bourgeons des dents de sagesse.

2 Structure de la dent

Les dents sont situées dans les alvéoles du bord de la mandibule (mâchoire inférieure) ou du maxillaire (mâchoire supérieure). Les bords alvéolaires sont recouverts par la gencive, muqueuse qui pénètre légèrement à l’intérieur des alvéoles pour former le sillon gingival. Les alvéoles sont tapissés d’un tissu conjonctif fibreux dense, le ligament alvéolo-dentaire qui attache la racine dentaire à l’os.

La dent est composée d’une partie située au-dessus de la gencive (partie visible de la dent en place), la couronne, et d’une partie enchâssée dans l’alvéole, la racine, qui est simple ou multiple. Le collet est la circonférence de jonction entre la couronne et la racine, là où la dent est légèrement étranglée.

La couronne est recouverte par la substance la plus dure de notre corps, l’émail, qui apparaît blanc et poli. L'émail est la substance la plus dure du corps humain et protège la dent contre l'usure due à la mastication. Le cément recouvre quant à lui la racine: c’est un tissu moins épais que l'émail, d’aspect jaunâtre et rugueux, qui permet l’insertion des ligaments. Au niveau du collet dentaire, là où l'émail fait place au cément, la dentine affleure presque.

La masse principale de la dent est faite d’ivoire ou dentine, substance très proche du tissu osseux qui donne à la dent sa forme et sa solidité. L’ivoire est creusé d’une cavité ou chambre pulpaire. Elle contient la pulpe, tissu conjonctif parcouru par un nerf (issu des ramifications maxillaire ou mandibulaire du nerf trijumeau) et vascularisé par une artériole afférente et une veinule efférente. Nerf sensitif et vaisseaux sanguins nourriciers et oxygénants pénètrent dans la dent par un orifice apical situé à l’extrémité de la racine, et parcourent le canal radiculaire pour atteindre la chambre pulpaire. Là, le nerf se ramifie dans de fins canalicules de l’ivoire.

Alors que l’os mandibulaire ou maxillaire et le cément sont des tissus vivants, l’émail et l’ivoire sont des substances inertes; tous sont minéralisés de phosphate de calcium (cristaux d'apatite pour l'ivoire, de fluoroapatite pour l'émail) et de carbonate de calcium.

Dessin original d'une incisive montrant les stades successifs d'une carie non soignée: 1)carie simple de l'émail; 2)carie simple de l'ivoire; 3)carie de l'ivoire avec attaque du nerf ; 4)carie pénétrante.

Radiographie (07/01/2002) des prémolaires et molaires d'un jeune homme de 14 ans (Scan original; merci à Maxime D.). Remarquez la forme de la cavité pulpaire (en foncé) et les canaux radiculaires de chaque dent.

3 Hygiène dentaire

3.1 La carie dentaire

La carie dentaire est une destruction progressive de l’émail puis de l’ivoire des dents, due à l’acide lactique issu de la digestion des sucres alimentaires par les bactéries buccales appartenant à l'espèce Streptococcus mutans, parmi les nombreuses bactéries présentes dans la bouche. Le point de départ de l’évolution de la carie est souvent la formation d’une plaque dentaire. La plaque dentaire ou bactérienne est un dépôt que l’on trouve à la surface de l’émail et qui est formé par de nombreuses bactéries adhérant aux dents grâce au dextran, un glucide visqueux formant une capsule autour de la bactérie, des protéines, des restes alimentaires et débris épithéliaux ainsi que du tartre. Les bactéries échappent aussi au brossage des dents au fond du sillon situé entre les cuspides des molaires, où dans l'espace inter-dentaire difficilement accessible.

Dans un premier temps, l’acide attaque la matière organique unissant les cristaux d’émail: c’est la carie simple de l’émail, qui prend l’aspect d’une petite tache mate contrastant avec l’émail sain et brillant. Progressivement, l'émail est déminéralisé et enfin percé -c’est pourtant la barrière de protection contre l’attaque des acides-. La dentine est alors rapidement creusée: une telle carie simple de l’ivoire rend la dent très sensible au froid. Elle peut constituer la suite logique d’une carie simple de l’émail ou apparaître par attaque directe d’une portion de racine dénudée. Certaines caries aboutissent rapidement à la cavité pulpaire: ce sont les caries pénétrantes, dont les localisations les plus fréquentes sont les sillons des molaires et des prémolaires.

Non traitée, une carie aboutit inexorablement à l’infection de la pulpe (pulpite). L'inflammation de la zone infectée produit alors une vive douleur. Si la dent n’est pas soignée, l'infection gagne ensuite l’orifice apical et cause un abcès dentaire, à moins que les ostéoblastes, dont l'activité est accrue par la sensibilisation du nerf, n'aient obturé l'orifice apical, empêchant l'infection de se propager. Dans tous les cas néanmoins, la pulpe dentaire se nécrose. Enfin, l’infection peut atteindre le nerf (névrite), l’os de tout le maxillaire ou de la mandibule (ostéite) et même le sang (septicémie).

Notons que la pulpe peut se nécroser sans carie: un choc violent sur une incisive peut briser les vaisseaux sanguins à la base de la racine, et causer la mort de la dent qui brunit après quelque temps. Courir la bouche ouverte par grand froid peut également tuer la pulpe dentaire.

3.2 La parodontose

Le parodonte constitue l’appareil de soutien de la dent. Il se compose du cément, du ligament alvéolo-dentaire, de l’os alvéolaire et bien sûr de la gencive. La destruction progressive du parodonte est la parodontolyse, dont la forme chronique est la tristement célèbre parodontose.

A côté des causes générales comme l’avitaminose C ou le diabète, les causes locales sont l’inflammation de la gencive (gingivite) due à des traumatismes ou à la persistance de débris alimentaires entre les dents. Le tartre inséré entre la gencive et le cément au niveau du sillon gingival est une cause locale majeure de parodontose. Dans ces conditions, des poches d’infection peuvent apparaître plus ou moins profondément entre la gencive et le cément, attaquant le ligament alvéolo-dentaire.

Dépôt de tartre au niveau du sillon gingival (d'après une brochure d'information éditée par blend-a-med).

Les premiers signes sont des irritations et des rougeurs apparaissant au niveau d’une gencive devenue turgescente. La forme chronique évolue lentement vers une rétraction des gencives et une résorption de l’os alvéolaire. Le déchaussement des dents peut entraîner leur chute après plusieurs années.

Stades successifs d'une gingivite puis d'une parodontose (d'après une brochure d'information éditée par blend-a-med).

Il est possible, dans les cas les plus graves, de greffer des implants (morceaux de palais) à la place de la gencive rétractée.

3.3 Prophylaxie dentaire

Il s’agit avant tout d’entretenir une hygiène bucco-dentaire rigoureuse, consistant en un brossage régulier (le matin afin d’éliminer le tartre dû à la salivation nocturne et après les repas pour enlever les débris alimentaires, sources d’irritations et nourriture pour les bactéries) qui empêchera la formation de la plaque dentaire.

Outre l’utilisation systématique du fil dentaire, permettant l’élimination des particules alimentaires dans les espaces interdentaires, on conseillera l’utilisation d’une brosse courte à nombreux poils souples. Les mouvements seront circulaires sur les faces vestibulaires et linguales (pour nettoyer les poches de prolifération bactérienne sous la gencive), transversaux et longitudinaux sur les faces occlusales. Malgré l’effet antiseptique naturel de la salive, d’éventuels bains de bouche avec un produit antiseptique limiteront les proliférations bactériennes.

Conseils pour un brossage correct des dents (d'après une brochure d'information éditée par blend-a-med).

Tous les dentifrices actuels comprennent des sels de fluor: il est universellement reconnu que le fluor renforce l’émail dentaire, barrière naturelle contre l’attaque de l’ivoire par les acides. Dans le petit village suisse de Sembrancher, où l’eau est naturellement fluorée, les enfants ont toutes leurs dents indemnes. Dans certaines villes de Hollande ou d’Amérique, où l’eau de distribution est additionnée de composés fluorés, le taux de caries a été réduit de plus de 50 %. Toujours dans le but de renforcer l’émail dentaire, on applique parfois sur les dents des enfants des solutions très concentrées en fluor. La carie étant facilitée par une minéralisation insuffisante des dents, un éventuel défaut de calcium, de fluor ou de vitamine D sera utilement comblé par la prise quotidienne de comprimés.

La reminéralisation de l'émail dentaire, après un début d'attaque par les acides, est quotidiennement possible grâce au calcium apporté par la salive. La salivation a donc un effet primordial dans la protection des dents.

L'une des causes majeures de la carie est la consommation de sucres simples (glucose et surtout sa forme dextrose) ou de disaccharides (saccharose par exemple) le soir: en effet, on considère que les aliments restent partiellement en bouche au moins 1/2 heure après leur consommation. Or, la salive, qui neutralise les effets destructeurs de l'acide lactique produit par les bactéries à partir de ces sucres, n'est pas produite la nuit au cours du sommeil. Dès lors, la consommation de sucres simples le jour n'entraîne pas de conséquences sur la santé dentaire, mais la consommation vespérale de ces mêmes aliments est à proscrire absolument!

Il faut cependant éviter de grignoter régulièrement ou trop souvent au cours de la journée, afin de réduire le nombre d'attaques acides. En effet, l'acidité buccale augmente environ 20 minutes après chaque repas.

Malgré toutes ces précautions, la carie n’est pas toujours évitable: c’est pourquoi il est nécessaire de consulter régulièrement un dentiste à titre préventif, au moins une fois l’an.

On garde actuellement les dents saines plus longtemps que jadis. La rétraction des gencives constitue dès lors aujourd’hui une menace sérieuse à partir d’un certain âge. Si cela s’avère nécessaire, un détartrage mécanique sera effectué par le dentiste. Outre le nettoyage à la brosse du sillon gingival (en faisant pénétrer les poils de la brosse dans ce sillon), le massage des gencives, de la gencive vers la couronne, permettra de manière préventive ou curative l’élimination des poches d’infection sous la gencive qui menaceraient d’altérer le parodonte.

4 Soins dentaires

Selon la gravité de l’état de la dent endommagée, les soins dentaires différeront, avec pour objectif l’élimination de l’agent destructeur et la restructuration d’une dent fonctionnelle.

4.1 Examen de routine

Un examen préventif de la bouche par un dentiste doit avoir lieu régulièrement, 1 fois par an à l’âge adulte, tous les 6 mois en cours de croissance et plus souvent encore en cours de grossesse. Il permet d’examiner la présence éventuelle de plaque dentaire, d’inspecter l’état des gencives, de détecter les dépôts de tartre, de rechercher les caries en formation et de s’assurer que les anciennes obturations dentaires ne perdent pas leur étanchéité ( cela risquerait de provoquer de nouvelles caries sous les obturations déficientes ). Contrairement aux autres tissus de l’organisme, les tissus durs de la dent ne se reconstituent pas, et la plus petite atteinte se transforme plus ou moins rapidement en une grande cavité. Il est donc important de détecter les caries le plus précossement possible.

4.2 Détartrage des dents

Le tartre peut être éliminé avec un crochet pointu, mais on utilise plutôt un appareil électrique produisant des vibrations très rapides, ce qui permet de détartrer en exerçant une moindre pression. Les faces dentaires sont ensuite polies avec une pâte légèrement abrasive qui élimine la couleur brunâtre due à la nicotine, au vin rouge,...

4.3 Traitement des gencives

Lorsque les gencives sont enflammées et que des poches d’infection se sont développées entre les dents et la gencive, causant parfois un mauvais goût dans la bouche ou une mauvaise haleine et constituant toujours un risque de parodontose, le tissu gingival enflammé est éliminé sous anesthésie locale. Après cicatrisation, la gencive repousse saine et adhère étroitement aux dents.

4.4 Radiographie

En cas de doute ou de douleur, les clichés radiographiques permettent de déceler la présence de cavités dans des endroits insondables, entre les dents ou sous les anciennes obturations. Ils permettent aussi de détecter d’éventuelles infections aux pointes des racines ou de visualiser la position de dents de sagesse mal implantées.

4.5 Obturation dentaire

4.5.1 Plombage

Le plombage d’une dent cariée ne consiste pas simplement à boucher un trou. Toute la partie atteinte doit être enlevée, et les bords de la cavité doivent être déplacés vers des zones permettant un nettoyage aisé. Ensuite a lieu l’obturation de la cavité de forme rétentive (cavité à fond plus large que l’ouverture, permettant le maintien du produit d’obturation) creusée dans la couronne. On utilise le plus souvent une couche isolante puis un amalgame (alliage de mercure) comprenant 70% d’argent, et de très petites concentrations d'étain, de cuivre et de zinc.

Différents stades du traitement d'une carie simple de l'ivoire.

4.5.2 Incrustation ou "inlay"

Lorsqu’une cavité plus vaste s’est formée dans une molaire, il n’est pas envisageable de faire une grosse obturation : celle-ci se désintégrerait trop facilement. On incruste dans ce cas un "inlay", pièce solide coulée en or dans un laboratoire de prothèse dentaire d’après l’empreinte de la cavité, puis cimentée par le dentiste.

L’incrustation peut être plus importante encore, recouvrant une partie des tissus de la dent : c’est un "onlay".

4.6 Dévitalisation de la dent

"Dévitaliser" une dent consiste à lui "enlever sa vie", c’est-à-dire en extraire la pulpe, y compris le nerf dentaire. On n’en vient à cette extrémité que lorsque la pulpe est atteinte, causant une douleur permanente, une sensibilité extrême au chaud et au froid et un risque majeur d’infection plus générale.

Après avoir creusé la dent jusqu’à la pulpe et en avoir extrait son tissu vivant jusqu’à la racine à l’aide de fines limes (broches), on obture les canaux ainsi nettoyés, puis on effectue l’obturation définitive. La dent perd à tout jamais toute sensibilité et change de couleur à long terme, car du sang s’insinue dans les fins canalicules de la dentine. Elle est aussi fragilisée et risque à la longue de se fragmenter: en effet, une dent devenue complètement inerte perd son élasticité et, avec le temps, soumise aux multiples vibrations et efforts, se fragilise dangereusement.

4.7 Couronnes, jaquettes, "bridges" et prothèses

Plus le dentiste élimine de tissu dentaire et moins il en reste pour assurer le maintien d’une couronne artificielle. Celle-ci peut être faite en or, éventuellement recouverte d’une fine couche de porcelaine blanche, ou tout en porcelaine pour les dents de devant : on parle alors d’une jaquette.

Lorsque la dent est totalement perdue, elle peut être remplacée par un "bridge", sorte de couronne artificielle scellée sur les dents adjacentes.

La dernière extrémité consiste à remplacer des dents manquantes par une prothèse faite d’une plaque en matière plastique ou d’un cadre métallique auquel des dents artificielles sont attachées.